3.1
Un gnome grimaçant accueillit nos héros au terme de leur périple.
Il se dressait - tapissait au centre d'un jardin en friches. Ses yeux, visiblement inspirés par ceux d'un volatile, tournaient sur eux-mêmes comme deux billes malades rêvant de s'expulser d'une boite crânienne. Sa longue barbe filasse s'emmêlait dans les fleurs qu'il charriait à l'intérieur d'une brouette, dans une atroce union contre nature.
Ces dernières souriaient, oui, elles souriaient, ouvrant leurs bouches vers le ciel. A y regarder de plus près, elles dégageaient une impression d'avidité, comme une portée en voulant au sein de leur géniteur. Ou à sa gorge. Un bref reflet de soleil laissait entrapercevoir des dents acérées dans chacun de ces râteliers. Des pâquerettes carnivores ? Aveugles, sourdes, impotentes, mais affamées ; belle représentation de la maternité et de ses conséquences.
Au pied de la sculpture se dressaient des herbes folles ; le jardin n'était absolument pas entretenu et les plus vivaces léchaient les genoux de la créature, qui culminait tout de même à quinze mètres de haut.
Détail ironique : la brouette n'avait pas de roues. Quels que soient les efforts que pouvaient prodiguer le nain géant, il n'avancerait pas. Pire, plus il forçait, plus l'assemblage de bois s'enfonçait profondément dans le sol, le condamnant à une éternité de vain poussage.
Inutile de préciser que le vert pétant dont l'ensemble était recouvert n'arrangeait en rien l'harmonie de la structure.
A quelques mètres de là se vautrait une construction circulaire, en bois. Enfin, trois structures. Une principale, couchée sur le côté, à l'embonpoint proéminent, et deux plus petites, surélevées, de chaque côté du tonneau primordial, donnant une étrange impression de déjà vu et une forte envie, pour le Chat, de courir après des rongeurs.
L'ensemble était usé. De la peinture de couleur indéfinissable cloquait par endroits, alors qu'à d'autres le bois était à nu. Des renforts de matériaux aléatoires constellaient l'habitation, ridiculisant des générations d'adeptes du patchwork.
Une grille en fer forgé, rouillée, indiquait la route à suivre. Le fait qu'elle n'était entourée d'aucune clôture n'empêchait pas l'éventuel visiteur de l'emprunter : les règles ont été établies depuis trop longtemps pour que l'idée d'y déroger vienne à l'esprit.
Complétant le tableau, un homme entre deux âges, à l'anonymat bon teint, bêchait avec assiduité un carré de ronces grimpantes, sifflotant des marches militaires. Sûrement le propriétaire.