1.3
- Je ne sens pourtant aucune différence, ni en moi, ni autour de moi.
- Tu t'attendais à quoi ?
- Un peu de pyrotechnie, des effets de manche, peut-être même, soyons fous, un voyage astral !
- Un chat qui parle, c'est déjà pas mal, non ?
- Bof, depuis Perrault et Disney, ça s'est banalisé.
- Sauf que moi je suis réel.
- Tu en es sûr, maintenant ?
- Que j'existe, oui ! Que je sois un animal parlant, moins.
- Ca me gène, tout de même, cette histoire...
- Quoi ?
- Que nous ne sachions pas vraiment si nous sommes.
- C'est vrai que ça m'empêche pleinement de me concentrer, et je sens de plus un flou en toi, à cause de ça.
- J'ai peut-être une solution.
- Laquelle ?
- Je connais un sage, il pourrait sûrement nous renseigner.
- En es-tu sûre ? De sa sagesse, je veux dire.
- Il vit dans un tonneau.
- Alors c'est irréfutable. Vit-il loin ?
- Très, c'est le problème. Le rejoindre, ce serait entreprendre un véritable périple.
- Passer plus de temps en ta compagnie ne serait pas fait pour me déplaire.
- Monsieur se relâche, à ce que je vois. Où est passé le guindé greffier ?
- Nous n'y arriverons pas tant que nous ne saurons pas, aussi je peux me laisser aller.
- Tu sais ce dont j'ai envie ?
- Dis-moi...
- Te gratter entre les oreilles. J'ai l'index qui me démange depuis des heures ! Viens un peu en mon sein, que je t'épouille.
- Je suis de gouttière peut-être, mais mon hygiène est irréprochable, ce qui n'est pas le cas de tout le monde dans cette pièce.
- Qu'insinues-tu par là, fieffé félidé ?
- Tes doigts sont carmins et caillés. Hors de question qu'ainsi je me fasse tripoter.
- Que tu es précieux, poilu compagnon de jeu. Jamais tes crocs n'ont mordu à même la chair ? Jamais ton pelage ne s'est couvert de vermillon ?
- Si, mais cela n'a rien à voir.
- Tu trouves ça plus propre, peut-être ? Faire éclater les veines et les os dans ta bouche, non stérilisée, en plus, j'en suis sûre !
- Tu voudrais que je me brûle la gueule ?
- Non, juste que tu admettes ta mauvaise foi.
- Je le répète, ça n'a rien à voir. Si je fais tout cela, c'est pour me nourrir...
- Tu me crois tombée de la dernière charrette ? J'en ai vu de tes vicieux comparses, torturer des rongeurs jusqu'à l'agonie, se repaître de la frayeur qu'ils inspirent, pousser le sadisme à son paroxysme, créant l'illusion d'une porte de sortie pour leurs victimes. Vous êtes les pires salopards que cette planète ait pu porter, et tu viens en plus me faire la morale.
- C'est ainsi que nous sommes faits, tu m'en vois sincèrement désolé...
- T'ai-je demandé de t'excuser ? J'adore cet aspect de votre personnalité, il me réchauffe les entrailles et me donne envie de me faire griffer. Allez, viens...
- Pas tant que tu n'auras pas désinfecté tes mains !
- C'est qu'il est têtu, l'animal ! Alors tant pi spour toi. Je connais des caresses qui t'auraient fait ronronner tout ton saoul, des pratiques qui feraient même feuler une prêtresse de Bastet...
- Tu m'intrigues, je suis tenté.
- Alors laisses-toi aller...